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vendredi 1 novembre 2013

Al-Qaïda, le terrorisme fabriqué indispensable à l’Occident

le terrorisme
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Al-Qaïda, le terrorisme fabriqué indispensable à l’Occident

Comment en finir avec la "Guerre contre la Terreur" déclenchée par les USA en 2001 si l’on ne comprend pas comment le terrorisme islamique est né, quels intérêts il sert, et par qui il est utilisé encore aujourd’hui ? A travers une analyse historique passant par l’Afghanistan, les Balkans, l’Algérie, ou encore la Palestine et Israël, le spécialiste en terrorisme international Nafeez Mosaddeq Ahmed – l’un des principaux protagonistes du film "ONE – Enquête sur al-Qaïda" – nous aide à démêler cet écheveau apparemment incompréhensible des réseaux terroristes que l’on appelle la nébuleuse "al-Qaïda". Notez que le texte ci-dessous, issu de travaux initiés dès 2002, a été rédigé en 2009 et ne contient donc pas de références aux récents événements (printemps arabes, mort de ben Laden, Libye, Syrie, etc.) mais permet certainement d’en comprendre les tenants et les aboutissants.

Qu’est-ce qu’al-Qaïda ? Qui tire les ficelles du terrorisme islamique ?
Visionnez le dernier film de Franco Fracassi
ONE – Enquête sur al-Qaïda


Nos terroristes
par Nafeez Mosaddeq Ahmed, pour le New Internationalist magazine, octobre 2009
 



Nafeez Mosaddeq Ahmed : spécialiste du terrorisme international, auteur du livre "La Guerre contre la vérité" aux Editions Demi-Lune. Il est à la tête de l’Institute for Policy Research & Development de Brighton. Son livre, La Guerre contre la liberté : Comment et pourquoi l’Amérique a été attaquée le 11 Septembre 2001, est un bestseller qui lui a valu la plus haute distinction littéraire italienne, le Prix de Naples. Titulaire d’une maîtrise à l’université du Sussex, il y prépare actuellement un doctorat en Relations Internationales. Chroniqueur politique pour la BBC, Nafeez AHMED a été élu expert mondial pour la guerre, la paix et les affaires internationales par le Freedom Network de l’International Society for Individual Liberty en Californie. Il a récemment commenté l’annonce de la mort d’Oussama Ben Laden le 2 mai 2011. Voir son interview ici.
Traduction C.Doure pour ReOpenNews
Les militants fondamentalistes islamiques sont les ennemis d’Israël et des gouvernements occidentaux, n’est-ce pas ? Eh bien, voyez par vous-mêmes.
Il fut un temps où la CIA entrainait, finançait et soutenait Oussama ben Laden et ses réseaux de moudjahidines en Afghanistan pour repousser l’invasion soviétique. Après la fin de la Guerre froide, ben Laden se retourna contre l’Occident et on n’eut plus jamais recours à ses services. Ses attaques insistantes contre nous pendant plus d’une décade, culminant avec le 11-Septembre, nous conduisirent à répliquer, en menant la « Guerre contre la Terreur ». Voilà pour l’histoire officielle. Mais cette histoire est fausse. Non seulement les services de renseignement occidentaux continuèrent de renforcer les réseaux islamistes extrémistes et les groupes terroristes liés à al-Qaïda après la Guerre froide, mais ils poursuivirent [cette politique] même après le 11-Septembre.
Le djihad de la CIA
L’histoire commence à l’été 1979, six mois avant l’invasion soviétique, alors que la CIA avait déjà commencé de financer les éléments d’une force de moudjahidines islamistes qui émergeait en Afghanistan. L’idée, d’après l’ancien conseiller à la Sécurité nationale, Zbigniew Brzezinski, et l’ancien Directeur de la CIA, Robert Gates, était d’accroître la probabilité d’une invasion soviétique, et de piéger « les Soviets dans un bourbier vietnamien. » [1]
Oussama ben Laden arriva en Afghanistan plus tard dans l’année, envoyé par le chef des services secrets saoudiens, le Prince Turki Al-Faisal, et il y installa le Maktab al-Khidamat (MAK) qui permit de financer, recruter et entraîner les moudjahidines. [2] Ben Laden, le MAK, et les moudjahidines afghans reçurent de la CIA environ un demi-milliard de dollars par an au total, et à peu près autant des Saoudiens, le tout étant acheminé par l’ISI (Inter-Services Intelligence), le service de renseignement pakistanais.[3]
Vers 1988, comme l’indiquait le Jane’s Defence Weekly, « Avec la connaissance des États-Unis, ben Laden créa al-Qaïda (la Base): un conglomérat de cellules islamistes terroristes quasi indépendantes les unes des autres, reparties à travers au moins 26 pays ».[4] Les agences de renseignement des États-Unis et des pays occidentaux faciliteront le processus, voyant dans les mouvements conservateurs islamistes un [excellent] contrepoids aux courants communistes, de gauche, ou nationalistes. Ils aideront les Saoudiens et d’autres pays du Golfe, tout comme le Pakistan, la Turquie et l’Azerbaïdjan – entre autres- , à multiplier les institutions islamistes extrémistes dans des pays aussi éloignés les uns des autres que l’Algérie, le Yémen, l’Indonésie, et les Philippines. Avec les fonds destinés à ces activités, de véritables centres financiers du crime organisé s’implanteront en Malaisie, à Madagascar, en Afrique du Sud, au Nigéria, en Amérique latine, en Suisse, au Royaume-Uni, au Turkménistan et ailleurs encore.[5]
L’islamisme et la doctrine de déstabilisation de la CIA
Après la chute de l’Union soviétique, et en particulier en 1991 quand les Saoudiens acceptent de voir stationner 300 000 soldats états-uniens au moment de l’invasion du Koweït par l’Irak, Oussama ben Laden se retourne soi-disant contre ses anciens maîtres à Riyad et Washington. Depuis lors, ben Laden et son réseau terroriste al-Qaïda deviennent nos ennemis, ciblant les citoyens et les intérêts occidentaux pendant toutes les années 1990, et perpétrant l’attaque la plus dévastatrice de toutes, avec les atrocités du 11-Septembre aux États-Unis.
Malheureusement, c’est là que l’histoire officielle commence à flancher. Car après 1991, les islamistes affiliés à al-Qaïda ont continué de bénéficier d’un soutien sélectif des agences de renseignement occidentales. Cette politique fut révélée par Graham Fuller, directeur adjoint du Conseil national du renseignement (National Council on Intelligence) de la CIA, quand il expliqua : « La politique consistant à guider l’évolution de l’Islam et à aider les musulmans contre nos adversaires a parfaitement fonctionné en Afghanistan contre l’Armée rouge. On peut encore recourir aux mêmes procédés pour déstabiliser ce qui reste du pouvoir de la Russie, et en particulier pour contrer l’influence chinoise en Asie centrale. »[6]
L’Afghanistan, le Big Oil et les talibans
Au cours des années 1990, le soutien ciblé des services secrets états-uniens aux réseaux islamistes extrémistes avait non seulement pour but de déstabiliser le potentiel de la Russie et l’influence de la Chine, mais aussi celui de sécuriser le contrôle par l’Occident, et en premier lieu par Washington, des réserves stratégiques en énergie. Quand ben Laden se transféra du Soudan en Afghanistan en juin 1996, le Département d’État américain prévint que ce changement « pourrait s’avérer plus dangereux pour les intérêts des États-Unis, » car cela offrait à ben Laden « la possibilité de soutenir des individus et des groupes qui ont l’envie et les moyens nécessaires d’attaquer les intérêts américains presque partout sur le globe. »[7] Le Pakistan lui offrit sa protection à condition qu’il aligne ses combattants moudjahidines sur les talibans. La nouvelle alliance al-Qaïda / talibans aurait été approuvée par les Saoudiens.[8]
Pourtant, comme le très respecté correspondant pakistanais Ahmed Rashid le rapporta, les renseignements états-uniens soutenaient les talibans comme moyen d’influence régionale au moins entre 1994 et 1998. Cette politique fut poursuivie jusqu’en 2000, en dépit de la multiplication des avertissements. Ainsi, lorsque les talibans prirent Kaboul en 1996, un porte-parole du Département d’État ne trouva « rien à redire » à l’événement. Un an plus tard, un diplomate américain commentait : « Les talibans vont sans doute se développer comme les Saoudiens… On aura Aramco (le consortium des compagnies contrôlant le pétrole saoudien), des pipelines, un émir, pas de parlement et beaucoup de charia. On fera avec. »[9]
Des auditions au Congrès confirmèrent un soutien ininterrompu à l’alliance al-Qaïda / talibans jusqu’en 2000. Témoignant devant une sous-commission sénatoriale des Relations étrangères en Asie du sud, Dana Rohrabacher, membre du Congrès – ancienne assistante spéciale à la Maison Blanche auprès du Président Reagan et maintenant membre du Comité parlementaire des Relations internationales – , déclara : « Cette administration mène une politique secrète qui renforce les talibans et a permis que ce mouvement violent s’empare du pouvoir. » L’hypothèse était que « les talibans apporteraient la stabilité et permettraient la construction de pipelines à travers l’Afghanistan d’Asie centrale jusqu’au Pakistan. »[10] Unocal et Enron comptaient parmi les compagnies états-uniennes parties prenantes du projet. Pas plus tard qu’en mai 1996, Unocal avait officiellement annoncé ses plans pour un pipeline qui transporterait le gaz naturel du Turkménistan au Pakistan à travers l’ouest de l’Afghanistan.
Des officiels états-uniens rencontrèrent plusieurs fois les talibans entre 2000 et l’été 2001, tâchant de leur faire accepter un gouvernement d’union nationale avec leurs ennemis locaux, l’Alliance du Nord, en leur promettant aide financière et reconnaissance internationale si l’accord aboutissait. Mais les décideurs aux États-Unis finirent par conclure que les talibans n’apporteraient jamais la stabilité nécessaire au projet de pipeline. D’après le ministre pakistanais des Affaires étrangères, Niaz Naik, qui était présent aux rencontres, les officiels américains menacèrent les talibans d’une action militaire si l’accord pour un gouvernement fédéral échouait. Même la date de cette menace, octobre 2001, leur fut indiquée. Inutile de dire que les talibans rejetèrent le plan.[11] Des mois avant les attaques terroristes du 11-Septembre, une guerre en Afghanistan était, de fait, déjà sur la table. Ainsi, Jean-Charles Brisard, un ancien officier des renseignements français, avança l’idée que le 11-Septembre pouvait avoir été une attaque préventive d’al-Qaïda pour déclencher l’invasion militaire déclarée de l’Afghanistan.[12]
Le pipeline suscite toujours un vif intérêt. « Depuis l’offensive de Washington qui a écarté les talibans, notait Forbes en 2005, le projet a été ressorti des boites et bénéficie toujours d’un fort soutien de la part des États-Unis » dans la mesure où il permettrait aux républiques d’Asie centrale d’exporter leur énergie sur les marchés occidentaux « sans dépendre des voies d’accès russes ». À l’époque ambassadeur des États-Unis au Turkménistan, Ann Jacobsen remarquait que « l’on envisage sérieusement ce projet, et il est très vraisemblable que des compagnies américaines s’y impliquent. »[13] Le problème actuel est que la portion sud du pipeline traverse un territoire contrôlé de facto par les talibans.
Mega Oil et les moudjahidines des Balkans au Caucase
Malheureusement, on sait aujourd’hui que l’aventure entre les États-Unis et la connection al-Qaïda / talibans en Afghanistan dans les années 1990 n’était qu’un épisode d’une politique géostratégique plus large visant à sécuriser le transport des ressources énergétiques primordiales à travers l’Eurasie, en soutenant les réseaux islamistes affiliés à Ben Laden.
En 1991, la première administration Bush voulut un pipeline pour le pétrole, qui traverserait le Caucase, de l’Azerbaïdjan à la Turquie. Cette année-là, trois officiers de l’US Air Force, Richard Secord (un ancien Secrétaire adjoint à la Défense pour les Affaires de sécurité internationale), Heinie Aderholt et Ed Dearborn, atterrirent à Bakou et y montèrent une nouvelle compagnie, Mega Oil. Ils étaient tous trois vétérans de précédentes opérations secrètes de la CIA au Laos et plus tard avec le Lieutenant Colonel Oliver North dans le scandale de l’Iran-Contra. En Azerbaïdjan, ils établirent une ligne aérienne pour acheminer des centaines de moudjahidines d’al-Qaïda de l’Afghanistan jusqu’en Azerbaïdjan, transformant Bakou en une base opérationnelle régionale pour le djihad.[14]
Les opérations secrètes contribuèrent au putsch qui renversa le président élu Abulfaz Elchibye cette même année, au profit d’une marionnette des États-Unis, Hiedar Aliyev. Un rapport secret des renseignements turcs révélé dans le Sunday Times confirma que « deux géants du pétrole, BP et Amoco, respectivement britannique et états-unien, qui constituent tous les deux l’AIOC (Consortium international pour le pétrole de l’Azerbaïdjan) sont derrière le coup d’État. »[15]
De 1992 à 1995, le Pentagone achemina des milliers de moudjahidines d’al-Qaïda depuis l’Asie centrale jusqu’en Europe, pour qu’ils combattent aux côtés des Bosniaques musulmans contre les Serbes. Les moudjahidines étaient « accompagnés des forces spéciales états-uniennes équipées de matériel de communication de pointe, » d’après des sources du renseignement. Les mercenaires de ben Laden furent employés comme soldats de choc par le Pentagone pour « coordonner et soutenir les offensives des musulmans de Bosnie. »[16]
Le schéma sera reproduit au Kosovo, où la violence ethnique éclata entre Albanais et Serbes. En 1998, l’Armée de libération du Kosovo (KLA) était fichée par le Département d’État comme une organisation terroriste financée par ben Laden et par le trafic d’héroïne. Ben Laden avait envoyé un de ses proches lieutenants, Muhammed Al-Zawahiri (frère de Ayman Al-Zawahiri, bras-droit du leader), pour diriger une unité d’élite de la KLA pendant le conflit du Kosovo. Il avait un contact radio direct avec le commandement de l’OTAN. En effet, le SAS [Special Air Service, une unité spéciale de l'armée britannique - NdT] et les instructeurs de l’American Delta Force [une unité contre-terroriste de l'armée des États-Unis - NdT] entraînaient les combattants de la KLA depuis 1996.
La CIA fournit une assistance militaire jusqu’à et pendant les bombardements de 1999 ; cela incluait des manuels d’entraînement au combat, et des conseils de terrain, sous couvert de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) qui surveillait le cessez-le-feu.[17]
Après la guerre du Kosovo, quand la KLA déplaça ses opérations en Macédoine sous la bannière de la NLA (Armée de libération nationale), ses liens avec al-Qaïda étaient plus forts que jamais selon des sources des renseignements des États-Unis, de Macédoine, d’Albanie et de Yougoslavie. En 2001, peu après une visite à Tetovo, le reporter de guerre canadien Scott Taylor rapporta que « l’on ne peut pas nier l’apport considérable de l’OTAN aux guérillas en termes de matériel et d’expertise[18]
Alors, pourquoi les Balkans ? En1999, le Général Mike Jackson, à l’époque commandant des troupes de l’OTAN dans la région, résuma : « Nous resterons certainement longtemps ici pour garantir la sécurité des couloirs énergétiques qui traversent la Macédoine. » Le Général faisait référence au pipeline trans-balkanique qui traverse la Bulgarie, la Macédoine et l’Albanie, prévu pour être une des principales routes vers l’Ouest pour le pétrole et le gaz d’Asie centrale.[19]
À peu près au même moment, les renseignements américains entreprirent de soutenir les moudjahidines d’al-Qaïda en Tchétchénie. Traditionnellement, la Tchétchénie est dans sa majorité une société « soufie », mais l’emprise grandissante de moudjahidines soutenus par Washington et liés à Ben Laden transforma la nature du mouvement de résistance tchétchène, renforçant la ligne dure de l’idéologie islamiste d’al-Qaïda. Les liens avec le renseignement états-unien avaient été établis sous la férule de Dick Secord au début des années 1990 à Bakou, où les activités des moudjahidines s’étaient rapidement propagées au Daguestan et en Tchétchénie, faisant de Bakou un point d’embarquement de l’héroïne afghane pour la mafia tchétchène.[20]
À partir du milieu des années 1990, ben Laden fournissait plusieurs millions de dollars par mois aux leaders de la guérilla tchétchène, Shamil Basayev et Omar ibn Al-Khattab, mettant ainsi sur la touche la majorité tchétchène modérée.[21] Les services secrets américains restèrent très impliqués jusqu’à la fin de la décennie. D’après Yossef Bodansky, à l’époque directeur de la Task Force sur le terrorisme et les guerres non-conventionnelles au Congrès des États-Unis, Washington était impliqué dans « un autre djihad anti-russe, ... et cherchait à soutenir et à renforcer les forces islamistes anti-occidentales les plus virulentes. » Les officiels du gouvernement américain participèrent « à une rencontre formelle en Azerbaïdjan » en décembre 1999 « au cours de laquelle furent discutés et acceptés des programmes spécifiques d’entraînement et d’équipement des moudjahidines du Caucase, d’Asie centrale et du sud, et du monde arabe, » qui se soldèrent par « l’encouragement tacite de Washington aux alliés musulmans (en particulier la Turquie, la Jordanie et l’Arabie Saoudite) ainsi qu’aux "compagnies privées de sécurité" états-uniennes [...] à assister les Tchétchènes et les islamistes alliés dans leur soulèvement au printemps 2000 et à aider pour longtemps le djihad qui allait s’ensuivre. » Les États-Unis voyaient dans le soutien au « djihad islamiste dans le Caucase » un moyen de « priver la Russie d’un couloir viable pour ses pipelines, au moyen d’une spirale de violence et de terrorisme. »[22]
Algérie : terrorisme d’État sous couverture
Des actions secrètes parallèles étaient conduites à cette même période en Algérie, où l’armée annula en 1992 les élections démocratiques nationales qui devaient amener au pouvoir le Front islamique du salut (FIS) après un raz-de-marée électoral. Des dizaines de milliers d’électeurs du FIS furent déportés dans des camps en plein Sahara, tandis que le FIS et d’autres partis islamistes étaient interdits. Peu de temps après l’opération, des centaines de civils furent mystérieusement massacrés par un groupe terroriste inconnu, identifié par la junte algérienne [au pouvoir] comme une branche radicale du FIS, et qui déclarait s’appeler le Groupe islamiste armé (GIA). Le GIA était largement constitué de vétérans des forces moudjahidines de Ben Laden, qui étaient revenus d’Afghanistan à la fin des années 1980[23]. À la date d’aujourd’hui, le nombre total de victimes des massacres par le GIA s’élève à 150 000 civils.[24]
Cependant, à la fin des années 1990, le gouvernement algérien dissident et certaines sources du renseignement laissèrent émerger des preuves montrant que les atrocités attribuées au GIA étaient en réalité imputables à l’État. Youssef-Joseph [Joseph Gilles Breault, alias Youssef Mouammar, NdT], un agent secret de la sécurité militaire [en français dans le texte, NdT] algérienne, s’exila en Grande-Bretagne en 1997, et raconta au Guardian que les massacres de civils en Algérie, imputés au GIA, étaient « l’œuvre de la police secrète et d’escadrons de la mort issus de l’armée… et non pas des islamistes extrémistes ». Le terrorisme du GIA était « orchestré » par « Mohammed Mediane, chef des services secrets algériens », et par « le Général Smaïn Lamari », chef de « l’agence de contre-espionnage ». D’après Joseph, « Le GIA est un pur produit des services secrets de Smaïn Lamari. Je lisais autrefois tous les télex secrets. Je sais que le GIA a été infiltré et manipulé par le gouvernement. Le GIA a été complètement retourné par le gouvernement… En 1992 Smaïn a créé un groupe spécial, l’Escadron de la Mort… Cet escadron a organisé les massacres… Les membres du FIS n’en étaient pas les auteurs. »
Joseph confirma également que des agents des renseignements algériens avaient organisé « au moins » deux des attentats à la bombe de Paris durant l’été 1995. « L’opération était pilotée par le colonel Souames Mahmoud, alias Habib, chef des services secrets à l’ambassade d’Algérie à Paris. » Le témoignage de Joseph a été corroboré par plusieurs transfuges des services secrets algériens.[25]
Les agences occidentales sont impliquées. Des documents du Service secret britannique (Secret British Foreign Office) révélés lors du jugement d’une affaire de terrorisme en 2000 ont montré que « les renseignements britanniques estiment que le gouvernement algérien était impliqué dans les atrocités, ce qui contredit le discours qu’il tenait en public. » Les documents faisaient état de « la manipulation du GIA, utilisé comme couverture pour mener leurs propres opérations, » et montraient qu’« il n’y avait pas de preuve du lien entre les attentats de 1995 à Paris et des militants algériens. »[26]
L’Algérie possède les cinquièmes réserves de gaz naturel dans le monde avec environ 3700 milliards de m³ de gaz naturel prouvés, et est le second exportateur. Elle se place au quatorzième rang pour les réserves de pétrole, avec des estimations officielles se montant à 9,2 milliards de barils. Environ 90% du brut algérien est exporté en Europe de l’Ouest, ce qui inclut la Grande-Bretagne, la France, l’Italie, l’Allemagne, les Pays-Bas et l’Espagne. Les premiers partenaires commerciaux de l’Algérie sont l’Italie, la France, les États-Unis, l’Allemagne et l’Espagne.
Actuellement, le groupe algérien dissident Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) – connu auparavant comme le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC) – joue un rôle prédominant dans la violence terroriste régionale. Pourtant, dans une série d’analyses de grande envergure conduites pour la Review of African Political Economy, l’anthropologiste des sociétés, Jeremy Keenan, directeur des Études sahariennes à l’université de East Anglia, parle d’ « un nombre croissant de preuves qui suggèrent que la multiplication supposée des activités terroristes à travers pratiquement tout le Sahara sahélien a en effet été un trompe-l’œil sophistiqué de la part des services de renseignements militaires des États-Unis et de l’Algérie. » Il parle de preuves montrant que la prise en otage de touristes européens par al-Qaïda en 2003 « fut initiée et orchestrée par des éléments au sein de l’appareil militaire algérien, » une opération « autorisée par les États-Unis, » et que le leader d’al-Qaïda, Ammar Saifi (appelé également Abderazzak El Para, ou encore « le ben Laden du Maghreb »), « fut "retourné" par les forces de sécurité algériennes en janvier 2003. »[27]
L’hégémonie énergétique est une priorité fondamentale. L’activité d’al-Qaïda signalée en Afrique du Nord s’est concentrée dans les régions riches en pétrole, en particulier dans le Delta du Niger, au Nigéria et au Tchad. Ainsi, en juillet 2003, Keenan écrit que, sous les auspices de Washington, l’Algérie, le Tchad, le Niger et le Nigéria « ont signé un accord de coopération pour le contre-terrorisme qui réunit de part et d’autre du Sahara les deux zones riches en pétrole, dans un ensemble d’accords de sécurité dont l’architecture est purement américaine. » Aujourd’hui [en 2009], cet ensemble s’est mué en une Initiative trans-saharienne de contre-terrorisme (Trans-Sahara Counterterrorism Initiative) dotée de 500 millions de dollars, dans laquelle l’Algérie joue un rôle pivot pour les plans états-uniens de déploiement militaire à venir dans la région. L’accord de sécurité coïncide avec l’inauguration d’un projet de la Banque mondiale de 6 milliards de dollars, le pipeline pétrolier Tchad-Cameroun.[28] 
L’extrémisme islamiste et la connexion israélienne
Curieusement, Israël joua un rôle clé dans certaines de ces politiques, à commencer par l’implication du membre du Congrès, Charlie Wilson, qui profita de sa position au Comité parlementaire restreint sur le renseignement (House Select Committee on Intelligence), acquise grâce au soutien du sénateur Dick Cheney, pour drainer une aide de plusieurs milliards de dollars à la fois pour Israël et pour les moudjahidines afghans[29]. Gust Avracotos, le responsable de la CIA à Islamabad remarqua que Wilson impliqua « les Israéliens dans le djihad musulman de la CIA, » créant l’opportunité pour le Mossad de pénétrer l’ISI et al-Qaïda, et pour Israël de signer des contrats d’armements et d’établir des liens avec le Renseignement pakistanais.[30]
Plus localement, Israël joua un jeu similaire dans sa relation ambigüe avec le Hamas. Le gouvernement des États-Unis et plusieurs sources du renseignement confirment qu’Israël a fourni une aide directe et indirecte au Hamas à la fin des années 1970, pour contre-balancer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP)[31] D’après les experts israéliens en affaires militaires, Ze’ev Schiff et Ehud Ya’ari, lors de la première intifada, le Fatah « suspectait les Israéliens d’un complot visant à la fois à laisser le Hamas reconstituer ses forces, et à le lâcher contre l’OLP, transformant ainsi le soulèvement en guerre civile… beaucoup d’officiers israéliens étaient convaincus que la montée du fondamentalisme à Gaza pourrait être exploitée pour affaiblir le pouvoir de l’OLP. »[32]
Le soutien d’Israël au Hamas aurait même continué après les accords d’Oslo en 1993, pendant la période des pires attentats suicides.[33] Yasser Arafat lui-même, le dernier président de l’Autorité palestinienne, déclara en 2001 que le Hamas « continuait de bénéficier de permis et d’autorisations, tandis qu’on nous imposait des limites, y compris pour construire une usine de transformation de tomates… Des collaborateurs d’Israël sont impliqués dans ces attaques [terroristes]. »[34]
En effet, certaines informations montrent que l’assassinat par Israël du leader du Hamas, Abou Hanoud en novembre 2001 visait à provoquer davantage d’attentats à la bombe. Trois mois plus tôt, le Israeli Insider mentionna le plan d’Ariel Sharon pour une attaque massive contre l’Autorité palestinienne qui la détruirait définitivement, en indiquant que ce plan « serait lancé immédiatement après le prochain attentat suicide très meurtrier, » qui fut provoqué plus tard par l’assassinat extrajudiciaire d’Hanoud par Israël. Un analyste militaire israélien, Alex Fishman, remarquait que « quiconque donnait son feu vert à cette liquidation savait bien qu’il romprait d’un coup l’accord amiable entre le Hamas et l’Autorité palestinienne. Selon cet accord, le Hamas devait éviter toute attaque suicide dans l’immédiat à l’intérieur de la Ligne verte (la frontière d’avant 1967), s’étant rendu compte qu’il valait mieux ne pas défier Israël sous son nez par des attaques massives dans les zones peuplées. Cette prise de conscience s’est néanmoins retrouvée réduite à néant avant-hier, et la personne, quelle qu’elle fut, qui a décidé de liquider Abou savait à l’avance quel en serait le prix. Le sujet avait été longuement débattu par les militaires et par les responsables politiques, avant que la liquidation ne soit décidée. »[35]
Des éléments de l’extrême-droite israélienne, dont certains hauts responsables du gouvernement, reconnurent que le plan de détruire l’Autorité palestinienne faciliterait la montée du Hamas. Dans une rencontre du gouvernement israélien en décembre 2001 par exemple, un ministre déclarera : « Entre le Hamas et Arafat, je préfère le Hamas. » Il ajoutera qu’Arafat est un « terroriste en costume de diplomate, alors que le Hamas peut être frappé sans pitié… il n’y aura pas de protestation internationale. »[36]
Les liens avec le terrorisme
Le terrorisme islamiste ne peut être compris que dans la mesure où l’on se rend compte que ses réseaux sont utilisés par les services de renseignement militaires occidentaux, à la fois pour contrôler des ressources énergétiques stratégiques et pour contrer des rivaux géopolitiques. Aujourd’hui encore, presque une décennie après le 11-Septembre, le soutien secret aux réseaux d’al-Qaïda continue. Dans de récents articles pour le New Yorker, le journaliste d’investigation Seymour Hersh cite des officiels du gouvernement et des renseignements des États-Unis confirmant que la CIA et le Pentagone ont transféré par l’Arabie Saoudite plusieurs millions de dollars à des groupes sunnites extrémistes affiliés à al-Qaïda, à travers le Moyen-Orient et l’Asie centrale. La politique, qui a débuté en 2003, d’après Hersh, concernait des régions comme l’Irak et le Liban, pour alimenter le conflit religieux entre chiites et sunnites[37]. Le programme fait partie d’un projet visant à contrer l’influence chiite de l’Iran dans la région. Début 2008, un Rapport présidentiel du Congrès corrobora les dires de Hersh, affirmant que la CIA avait alloué 400 millions de dollars à divers groupes anti-chiites extrémistes et terroristes. Ce qu’aucun membre démocrate du Parlement ne contesta[38]. À présent, le Président Obama a maintenu à son poste le Secrétaire à la Défense de Bush, Robert Gates. Pourtant, Gates était l’architecte de la stratégie secrète contre l’Iran. Jusqu’à aujourd’hui, Obama n’a jamais laissé entendre que cette stratégie changerait. L’histoire résumée ici jette une ombre sur la façon dont on comprend dans son ensemble la « Guerre contre la Terreur ». Comment peut-on faire la guerre à un ennemi que nos propres gouvernements financent en secret pour des intérêts politiques à court terme?
Si nous voulons en finir avec la « Guerre contre la Terreur », ce ne sera pas en menant une nouvelle guerre vaine pour le pétrole. Cela se fera dans nos propres pays, en exigeant que les structures secrètes au sein de nos propres gouvernements nous rendent des comptes, et en poursuivant les responsables au motif qu’ils aident et favorisent le terrorisme, que ce soit délibérément ou par négligence criminelle. Rien d’autre, en fin de compte, n’arrêtera ces agences de « sécurité » qui renforcent « l’ennemi » que nous sommes censés combattre.
Nafeez Mosaddeq Ahmed

Traduction C.Doure pour ReOpenNews

Notes de l’auteur :
  1. Le Nouvel Observateur (15 -21 janvier 1998) p. 76; Robert Gates, From the Shadows – The Ultimate Insider’s Story of Five Presidents and How They Won the Cold War (New York: Simon & Schuster, 1997), pp. 143-149
  2. Craig Unger, House of Bush, House of Saud – The Secret Relationship between the World’s Two Most Powerful Dynasties (Londres: Scribner, 2004), p. 100
  3. Ahmed Rashid, Taliban: Militant Islam, Oil, and Fundamentalism in Central Asia (Yale: Yale University Press, 2000) p. 91
  4. Rahul Bedi, ‘Why? An attempt to explain the unexplainable,’ Jane’s Defence Weekly (14 septembre 2001)
  5. Richard Labeviere, Dollars For Terror: The United States and Islam (New York: Algora, 2000)
  6. Cited in ibid.
  7. Judicial Watch Press Release, Clinton State Department Documents Outlined bin Laden Threat to the United States in Summer 1996 (17 août 2005)
  8. Gerald Posner, Why America Slept: The Failure to Prevent 9/11 (New York: Ballantine, 2003), pp. 105-6
  9. Ahmed Rashid, Taliban: Militant Islam, Oil and Fundamentalism in Central Asia (New Haven, Conn.: Yale University Press, 2000), pp. 166, 179
  10. Dana Rohrabacher, ‘US Policy Toward Afghanistan,’ Statement before Senate Foreign Relations Subcommittee on South Asia (Washington DC: US Senate, 14 avril 1999). Voir aussi Rohrabacher, Statement before Hearing of the House International Relations Committee on ‘Global Terrorism And South Asia,’ (Washington DC: US House of Representatives, 12 juillet 2000).
  11. George Arney, ‘US ‘planned attack on Taleban’,’ BBC News (18 septembre 2001)
  12. Jean-Charles Brisard et Guillaume Dasquié, Forbidden Truth: US-Taliban Secret Oil Diplomacy and the Failed Hunt for Bin Laden (New York: Nation, 2002); George Arney, US ‘planned attack on Taleban,’ BBC News (18 septembre 2001).
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