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samedi 26 octobre 2013

leparisien :Viols dans l'armée américaine : les photos choc

La sergente Jennifer Norris, droguée et violée à l'âge de 21 ans par son recruteur après être entrée dans l'armée, a éclaté en sanglot après avoir témoigné devant les élus de la Chambre des représentants en juin dernier.
Marie-Pia Rieublanc |

Le calvaire que subissent certaines femmes qui ont intégré l'armée américaine n'est plus un secret d'Etat. Le Pentagone planche depuis le printemps dernier sur le scandale des agressions sexuelles, et en premier lieu les viols, dont au moins 26 000 militaires (hommes et femmes confondus) ont été victimes selon sa propre . Le secrétaire de la Défense Chuck Hagel, veut mettre en place un dispositif de sanctions plus strict à l'intérieur de l'US Army. Ce corps militaire possède en effet son propre système judiciaire, qui a longtemps étouffé ce genre d'affaires, dissuadant bon nombre de victimes de porter plainte et laissant la plupart des agresseurs impunis.

C'est cette «guerre de l'intérieur» que la photoreporter américaine Mary Calvert, 55 ans, documente à travers son projet intitulé «The War Within». Son travail qui a débuté au mois de juin, lorsque les élus du Congrès ont commencé à débattre et à auditionner les victimes au Capitol Hill, pour faire éclater la vérité au grand jour. Désormais indépendante, cette ancienne journaliste du Washington Times, a reçu pour cette enquête le Prix Canon de la femme photojournaliste 2013, lors du festival Visa pour l'image à Perpignan (Languedoc-Roussillon) début septembre. Elle s'est installée à Annapolis, petite ville du Maryland qui fait partie de l'agglomération de Washington D.C. et abrite l'Académie navale américaine, où des viols ont déjà été commis.


 –                              Portrait de Mary Calvert (Credit Image: © Kristin Donaldson/ZUMAPRESS.com)


Contactée par le Parisien.fr, Mary Calvert décrypte son enquête. Interview

Nombre de vos travaux photographiques portent sur les violences faites aux femmes. Est-ce un engagement personnel ?

J'ai toujours volontairement fui les sujets hyper médiatisés et passé toute ma carrière à rechercher et raconter des histoires de femmes et d'enfants en détresse, qui n'ont pas été traitées. Il y a quelques années, j'ai voyagé en République démocratique du Congo pour travailler sur les viols utilisés comme arme de guerre. Cela faisait des mois que j'y pensais, à chaque fois que je lisais un article sur ce sujet, j'avais l'impression d'entendre ces femmes crier du fond d'un puits très profond, et je savais qu'il fallait que je raconte leur histoire.

C'est aussi ce qui s'est passé avec les femmes victimes de viols au sein de l'armée américaine. Quand j'ai commencé à en entendre parler, ma colère m'a poussée à aller chercher les voix de ces femmes, violées par l'institution qui est censée protéger la population de notre pays.

Vous vous attaquez à un dossier tabou, très verrouillé, auxquels même les élus du Congrès qui ont enquêté sur le sujet ont du mal à avoir accès. Comment avez-vous récolté autant de témoignages et d'informations ?

J'ai d'abord assisté aux débats du Congrès à Washington. C'est là que j'ai rencontré des militaires ayant survécu à une agression sexuelle au sein de l'armée, qui commençaient à en parler publiquement. Après être allée voir deux débats, je suis partie rendre visite à l'une de ces victimes, Jessica Hinves, chez elle, à Hampton, en Virginie. (voir photo ci-dessous) J'ai passé plusieurs jours avec elle et une fois qu'elle a su qu'elle pouvait me faire confiance, elle a parlé de moi à d'autres victimes, qui m'ont contactée d'elles-mêmes petit à petit, désireuses de me raconter leur histoire.

«Même si l'homme ne s'était pas comporté comme un gentleman, il n'y avait pas de raison de le poursuivre en justice» (Un commandant)

Parlez-nous un peu plus de Jessica, que l'on voit sur la plupart de vos photos.

C'est l'histoire qui m'a le plus choquée. C'était une jeune mécanicienne spécialisée dans les avions de chasse de l'armée de l'air. Elle a été violée par un membre de son escadron au sein de la base de Lackland (à San Antonio, au Texas, ndlr). Une autre membre de son escadron, témoin auditive du viol, a dénoncé le viol, et non pas elle. Jessica a alors fait l'objet d'une enquête interne, mais la plainte contre l'agresseur a été rejetée un jour avant l'ouverture prévue du procès, par un commandant qui a jugé que «même si l'homme ne s'était pas comporté comme un gentleman, il n'y avait pas de raison de le poursuivre en justice».

 – Jessica Hinves entourée par des commandants de l'armée à l'issue d'une audition à la Chambre des représentants en juin dernier. (Crédit : Marie Calvert / Zuma Press)

Comment expliquer cette impunité ?

Dans le très code unifié de justice militaire (la base légale du droit militaire aux Etats-Unis, ndlr), le personnel souhaitant porter plainte doit passer par tous les maillons de la chaîne hiérarchique et toutes les procédures restent confinées au sein de l'armée, qui a sa propre police et sa propre justice, contrôlée d'une main de fer. Rien n'est transposable dans une cour civile.C'est pourquoi les crimes restent souvent étouffés par l'armée.

Comment va Jessica aujourd'hui ?

Depuis cette affaire, elle souffre de «traumatisme sexuel militaire» (Military Sexual Trauma, ou MST), dont les effets sont la dépression, la paranoïa et le sentiment d'isolation. Mais elle ne vit pas seule. Son mari et ses deux enfants sont avec elle.

Avez-vous rencontré des victimes ayant réussi à faire condamner leur agresseur ?

Oui, cela existe, même si la plupart des victimes cherchent encore à obtenir justice. Il y a Vanessa Messick par exemple, violée par son sergent instructeur à la base de Lackland pendant un entraînement. Son agresseur a été reconnu coupable d'avoir violé au total 10 femmes qui se trouvaient sous ses ordres. Il a écopé de 20 ans de prison.

 – Jennifer Norris, une autre victime. Elle a éclaté en sanglot après avoir témoigné devant les élus de la Chambre des représentants en juin dernier. Elle a été droguée et violée par son recruteur à l'âge de 21 ans, juste après être entrée dans l'armée. (Crédit : Mary Calvert / Zuma Press / Visa pour l'image)

«J'aime travailler comme les étudiants en médecine qui cherchent à comprendre comment évolue une maladie.»

Quelle relation entretenez-vous avec toutes ces victimes que vous suivez depuis maintenant plus de trois mois ?

Je m'entends très bien avec elles. Elles ont toutes partagé quelque chose de très intime avec moi et chacune de leur histoire m'a beaucoup touchée. Ce que j'aime surtout, c'est passer mes nuits chez elles. Un peu comme les jeunes étudiants en médecine qui font leur internat dans un hôpital et doivent tourner sur toutes les horaires pour comprendre comment évolue une maladie. Je ne sais pas très bien comment elles me perçoivent, peut-être comme un moyen de faire savoir au monde ce qu'elles ont vécu.

Avez-vous reçu des menaces au cours de ce projet photographique, de la part du Pentagone par exemple ?

Personne ne m'a jamais menacé. Je n'ai d'ailleurs publié aucun nom de coupable. Mais je le ferai si certains d'entre eux sont reconnus coupables d'ici là ! Quant à la population américaine, je pense qu'elle sera reconnaissante de pouvoir savoir ce qu'il se passe. J'ai reçu de nombreuses lettres de personnes me remerciant d'avoir rapporté cette histoire.

Le projet de Mary Calvert sur les viols dans l'armée américaine s'achèvera au cours de l'année 2014. D'ici là, la journaliste va rencontrer de nouvelles victimes et retourner voir celles qui souffrent de syndrome post-traumatique. 
 

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